2020 - La rotonde ASISI

samedi 31 octobre 2020

ALLONS-NOUS REGRETTER LA DESTRUCTION DE LA ROTONDE ASISI OU PANORAMA ?

A Rouen, il est interdit d’abandonner ses encombrants dans la rue. Pourtant, à ceux qui s’étonnent de la présence d’une grosse boîte bleue, en bas de l’avenue Pasteur, près de la Seine, je leur dis que c’est simplement une grosse boîte de conserves, oubliée là par Gargantua, en revenant de faire ses courses dans un hyper-marché du coin. Ceux qui sont mieux informés que moi savent qu’il s’agit du Panorama, dit rotonde Asisi, du nom du talentueux artiste allemand qui a créé un certain nombre de toiles peintes de grandes dimensions, dont certaines ont été exposées en ces lieux-mêmes. Pris comme objet architectural isolé contemporain, je ne porterais pas de jugement personnel sur l’oeuvre. Une ville évolue constamment et son histoire agrège des constructions modernes, qui peuvent étonner, interroger sur le moment , mais qui finiront par être acceptées et feront partie du paysage.

Mais cette rotonde panoramique présente trois importants inconvénients.

Le premier est son emplacement. Bouchant la perspective sur la Seine depuis l’église de la Madeleine, il fait barrage à une compréhension visuelle des deux rives, la droite et la gauche, unie par le passage du fleuve. Il masque les deux grues Picasso sur la rive gauche et casse ainsi l’idée d’une union historique entre le monde hospitalier représenté par l’ancien Hôtel-Dieu, créé à l’origine pour lutter contre la peste, amenée par les bateaux du port et ce dernier, facteur de grands développements économiques et source de prospérité pour la ville de Rouen. Cela est pour l’axe nord-sud.

Concernant l’axe Est-Ouest, l’objet architectural est trop provoquant visuellement pour ne pas interrompre la perspective unifiée sur l’ensemble des bâtiments portuaires le long de la rive droite, réhabilitées sur de nouvelles activités ayant redonné un souffle de vie dynamique à ces lieux que l’on a connu tristes, désolés, il y a peu de décennies. En architecture, il faut de l’audace pour surprendre, mais il ne faut pas effrayer les visiteurs ou les usagers.

Le deuxième défaut de la rotonde est sa construction à une époque qui n’est plus le XIX° s. Une image, si spectaculaire et talentueuse qu’elle soit, si elle ne bouge pas, finit par lasser. Les panoramas ont été créés à une époque où débutait seulement le cinéma et où il n’y avait pas la télévision dans chaque foyer. Maintenant, quand on voit une image sur écran, on attend la suite (la foule qui bouge, les animaux marins qui nagent dans les profondeurs, le véhicule qui progresse et fait voir d’autres lieux, etc). Évidemment, mon propos ici sur l’image ne concerne pas l’art de la photographie.

Enfin, troisième défaut, ce sont les sommes d’argent public investies à une époque où on nous dit que l’argent se fait rare pour faire fonctionner ce gros « machin ». Cela tourne presque à l’indécence. Lors de sa création en 2014, il était prévu un budget du huit millions annuels, non compensés par le nombre de visiteurs (150.000 escomptés, 120.000 environ en réalité, en prenant la moyenne sur toutes les années de fonctionnement. Selon les dernières estimations, le panorama a coûté en tout au moins seize millions d’euros aux collectivités publiques. Alors que c’est un parcours de galérien pour trouver des fonds pour restaurer en urgence notre patrimoine rouennais !. L’originalité, bienfaitrice de nouveautés, ne s’accompagne pas toujours d’une sagesse concernant la distribution des deniers publics. Voilà quelques pensées personnelles sur cette e de la rotonde Asisi. Je
précise que je ne suis pas un ennemi de l’architecture contemporaine. Elle m’emballe même souvent.
Mais quand elle n’est pas en rivalité avec le patrimoine plus classique hérité de l’intelligence, du savoir-faire et du talent de tous les architectes, maçons, sculpteurs, charpentiers, ébénistes, maîtres-verriers, peintres, fresquistes, couvreurs, etc, des siècles passés. Regretterons-nous la destruction de la rotonde panoramique de Rouen, prévue bientôt ?? L’avenir, seul, nous le dira.

Dominique SAMSON
Le 28 octobre 2020